Télésud : Lettre ouverte Louis Keumayou à Jean-Luc Beis.
Monsieur Beis,
Quand j’ai été recruté à Télésud il y a près de trois ans pour mettre sur pied la direction de l’information et notamment lancer le journal télévisé ainsi que les magazines d’information qui sont actuellement à l’antenne, c’était pratiquement mission impossible. Pourtant, pierre après pierre, j’ai pu constituer ex-nihilo ce service qui a aujourd’hui toute sa place au sein de la chaîne. Pour y arriver, j’ai pratiquement dû me transformer en couteau suisse et m’investir sans compter, au détriment d’une vie sociale et familiale normales. Les résultats sont-ils satisfaisants ? Seules des études d’audience que nous n’avons jamais commandées sauraient le dire. Pouvions-nous faire mieux ? Certainement. Si un soutien plus marqué de la gérance et des moyens plus importants nous avaient été accordés. Depuis quelques semaines, vous avez cassé cette dynamique en créant au sein de la rédaction deux clans : celui de vos protégés auxquels l’on doit tout passer, et celui des autres qui n’ont que des obligations vis-à-vis de vos protégés et de vous. Et le pire c’est que vous trouvez tout cela normal.
Je suis assez gêné de parler de ma personne. En effet, il ne s’agit pas du maintien de ma modeste personne à un poste de responsabilité – car c’est bien connu : les cimetières sont remplis de personnes indispensables – mais il s’agit plutôt d’éviter à Télésud de connaître le destin funeste de la défunte compagnie aérienne Air Afrique. Après avoir traversé des périodes difficiles au cours desquelles les employés, malgré les salaires de misère qui ne tombaient pas toujours, venaient travailler comme si de rien n’était, malgré la campagne de dénigrement de Télésud qui battait son plein sur le Net se serraient les coudes pour apporter à l’antenne une qualité professionnellement acceptable voire mieux, tout se passe comme si vous étiez pressé d’enterrer Télésud avant de prendre votre retraite.
Les Africains ne sont peut-être pas à l’image des Français qui n’entrebaîllent qu’à peine la porte d’entrée des médias aux Africains lorsqu’ils vous confient la direction d’une chaine de télévision aussi symbolique que Télésud, mais croyez-moi, ils ne vous laisseront pas détruire ce symbole. Depuis quelques semaines vous avez les coudées franches pour lancer la restructuration de la chaine en vue d’une reprise éventuelle. Qui fait fantasmer tout le monde. Plutôt que de remotiver les troupes en leur expliquant clairement la situation dans laquelle nous nous trouvons et surtout en leur exposant vos projets pour en sortir par le haut, vous vous enfermez dans une attitude d’autocrate qui ne pense qu’à lui, au détriment de l’entreprise dont il est chargé d’assurer l’équilibre financier et la pérennité. Vous vous êtes octroyé une très confortable augmentation de salaire – plus de 2000 euros - tout en expliquant aux petites mains qui font l’antenne que vous ne pouvez prendre aucune décision similaire les concernant. Depuis le mois de janvier, le directeur de l’antenne et de la production a déserté son poste en emportant une partie du matériel de Télésud. Pas de sanction. Mieux : il continue de percevoir son salaire de là où il se trouve, c’est-à-dire près de 3000 euros par mois. Serait-ce dû au simple fait qu’il est Blanc ?
Télésud est une chaine panafricaine et arc-en-ciel où les clivages de race n’ont pas de prise. Mais par votre comportement, vous créez ce clivage et le discours qui va avec : les Blancs veulent faire de Télésud une Air Afrique bis. Or cette chaine de télévision est l’employeur de ces Blancs et de ces Noirs. La mettre en faillite c’est les envoyer tous au chômage, avec des chances inégales de retrouver un emploi dans le secteur audiovisuel en France.
Si l’on vous a confié la mission d’enterrer Télésud en première classe, sachez qu’il se trouvera des gens sur votre chemin pour rendre cette mission impossible.
Louis Keumayou
Directeur de l’Information